Patrouille rurale

Patrouille rurale

mercredi 16 mars 2011

Impuissance

J’en ai déjà parlé sur ce blog à plusieurs reprises : les résultats du concours de police municipale s’approchaient à grands pas. Et ce jour du 16 mars était le grand jour.

A force d’avoir voulu tout faire comme les élèves, et même si au dernier moment je n’ai pas participé aux épreuves écrites, ce concours PM était aussi devenu "mon" concours. Je devenais impatient d’en connaître les résultats.
Depuis quarante-huit heures, la tension montait en moi comme elle montait chez les élèves. J’avais d’ailleurs rêvé il y a deux jours que 16 élèves étaient déclarés admissibles. Quoique ce nombre me semble fort élevé, quasi impossible, j’imaginais un résultat à la hauteur de mes espérances, fussent-elles illusoires.

Puisque les résultats devaient être affichés sur le web en soirée, je fis comme beaucoup d’élèves : j’étais devant mon écran dès 17h00 et j’avais enregistré la page web dans mon GSM en cas de panne de mon ordinateur (!).
Rien de publié à 17h00 ? Je revenais à 17h10. Toujours rien à 17h10 ? Je suis revenu à 17h20. Et ainsi de suite jusqu’à 17h40 où 5 noms furent affichés. Puis 7 à 17h46. Puis 9 une minute plus tard. Neuf noms de candidats ayant autorisé l’affichage de leur nom. Une annotation que je ne comprenais pas car dans tous les autres résultats édités, ce distinguo n’existait pas. Et toujours pas un seul nom d’élève de la p18. Angoisse quand tu étreins !
Quand la liste eut atteint le nombre de 53 noms publiés sur un total de 134 admissibles, le nom d’une première élève apparut. La tension grandissait car l’on était déjà arrivé à la lettre H. Je tentais de me réconforter en me disant que les élèves des lettres A à G devaient avoir oublié de cocher la possibilité d’éditer leur nom sur le site de l’organisateur ...
A 67 noms publiés, une seconde élève apparut. Mais on était déjà à la lettre L !
Le jeu, si tant est que le vocable soit approprié quand un avenir se dessine sur un résultat de concours, dura ainsi de longues minutes. Il fallut rafraîchir la page toutes les minutes jusqu’à 18h12 pour que 97 noms soient affichés sur les 288 personnes déclarées admissibles. Mais dans ces 97 noms, il n’y avait que deux élèves de la p18. Petit vent de panique tant chez moi que chez les élèves : tous les autres élèves reçus auraient-ils interdit la publication de leurs noms ?
Tandis que tout le monde se perdait soit en désespoir (« c’est bon, je ne l’ai pas »), soit en incompréhension (comme moi), la page web afficha un splendide « Résultats en attente de publication » à 18h14 !!! Mais de qui se moque t’on ?!
La tension monte, le palpitant s’accélère un peu, les textos se multiplient avec les élèves, le téléphone sonne. Entre angoisse, incompréhension, abattement et panique, difficile de tracer une route empreinte de sérénité !



Il fallut alors prendre son mal en patience de (trop) longues minutes pour qu’enfin, une dizaine de minutes plus tard apparaisse une liste dénommée : « Nombre de candidats admissibles ayant autorisé l’affichage de leur nom : 288 sur 288 admissibles ».
Alors, le doigt fébrile sur le curseur de la souris, je parcours la liste d’abord à la recherche du nom que je souhaite voir inscrit, puis des noms que j’attends. Et là, le blanc. Hormis les deux noms déjà lus un quart d’heure plus tôt, rien ! Je reprends donc la liste alphabétique des 288 noms. Et là, le blanc devint noir. Alors, plus calmement, me disant que la tension et la nervosité m’empêchent de voir correctement, je relis une seconde fois. Puis une troisième. Et même une quatrième ! Et là, le noir devint néant.

Des 288 noms affichés, seuls cinq étaient ceux d’élèves de l’école !!! Deux de la p14, un de la p15 et deux de la p18. Certes, j’avais imaginé 20 lauréats en novembre, certes j’avais rêvé 16, certes la professeure qui avait formé les élèves avait entrevu 10, mais deux ?! … Deux !? Non, ça n’est pas possible !
Pourtant, aussi cruel que cela puisse être, cela était bien le cas : deux noms et rien que deux tout petits noms étaient affichés.
Pourquoi ? Comment ? … Je n’avais pas les réponses. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je pris ce résultat comme si moi-même j’avais passé le concours, comme si moi-même je l’avais raté. J’avais la gorge nouée, la voix éteinte. Et même un début de larmes. Il faudra à l’avenir que j’évite de me plonger autant dans mon sujet !!!

En échangeant avec une élève dont je n’avais même pas imaginé un seul instant qu’elle ne réussisse pas, et à laquelle je faisais part de mon désarroi, elle me répondit que « Oui, sauf que toi, ta vie est faite ». Et là, un grand sentiment d’impuissance m’a traversé !

Pourquoi "impuissance" ? Parce que si c’est exact que ma vie est faite, mon "travail" lui n’est pas fait. J’aurai voulu aider cette élève comme plusieurs autres qui ne sont pas dans les 288 admissibles. Mais je ne sais pas.
Je suis venu dans cette école pour raconter cette formation, ce faisant je l’ai vécue. Par mimétisme, par immersion, la réussite de cette élève comme la réussite de ses camarades, c’est ma réussite. Quand j’ai voulu quitter cette promo, cette même élève m’avait dit : « Tu as commencé avec nous, tu finis avec nous ! ». Une autre élève m’avait écrit : « Tu fais partie de notre promo et sans toi la P18 n'existe plus ! ». J’ai vécu 27 semaines avec ces élèves. Leur échec, c’est aussi le mien. Je n’ai pas pensé un seul instant raconter quelque chose qui se termine en forme d’échec. Un élève m’a dit au téléphone au cours de la soirée : « Je suis hyper vexé ! ». Moi aussi. Même si je ne me suis pas assis à la même table une après-midi de fin janvier à Lognes ou à Rungis !
Et comme eux je vois un avenir serein, une vie à faire, pour un moment disparaître au loin.

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